Marseille, théâtre Toursky : « Uppercut » de Jean-Jérôme Esposito, par Danielle Dufour-Verna

« La liberté est un combat »


Uppercut, comme un cri d’alarme devant l’égoïsme, devant le sectarisme: « Aux armes citoyens » !

Théâtre International Toursky, ce 21 octobre 2022, Uppercut de Jean-Jérôme Esposito, ‘fait un tabac’, salle bondée, spectateurs debout, acclamant, hurlant leur plaisir pour faire perdurer ces moments de bonheur intense qu’il leur a été donné de vivre. Uppercut est une pièce pensée, soignée, à l’écriture percutante, magnifiquement jouée avec leurs poings, leurs voix et leurs cœurs par les cinq comédiens et le musicien.

« L’histoire des peuples se raconte dans l’histoire de la boxe » Julie Lucazeau
Imaginez que la terre soit un ring, que ses cordages soient des frontières… Grâce au langage universel de la boxe, Jean-Jérôme Esposito donne la parole à celles et ceux dont le quotidien est une lutte. Victoire, libre et rebelle s’échappe des griffes d’une famille étouffante, Nzundu tente de se reconstruire après avoir fui son pays et Ponticelli, tête brûlée, petit-fils de migrants italiens, les rassemble.
Uppercut parle des migrations d’hier et d’aujourd’hui, du sud vers le nord, des combats pour survivre et de la rage de vaincre. Le bonheur est à la clé !

« Liberté, Egalité, Fraternité, c’est marqué sur le cahier des charges de notre drapeau, non ? » Jean-Jérôme Esposito
Non, ce n’est pas seulement parce qu’il est d’origine italienne, ce Marseillais pur jus des quartiers nord, qu’il comprend les émigrés. Ce n’est pas parce que les Italiens ont subi autrefois ce que les maghrébins vivent aujourd’hui, insultes, racisme et intolérance, qu’il défend les émigrés. Jean-Jérôme Esposito est profondément, fondamentalement humaniste et fraternel. Fils de la rue, que la boxe a fait rentrer dans les rangs en lui ouvrant son ring, Comédien, amoureux fou du théâtre et de la vie, ce gosse de quartier est devenu sacrément bon dans le milieu théâtral depuis que, adolescent, Richard Martin lui a ouvert grand les portes de son théâtre, une amitié qui perdure dans la volonté commune de se battre contre toutes les injustices.

« J’ai fait partie de ces jeunes qui sont entrés dans un club de boxe parce qu’ils ne voulaient pas traîner dans la rue. »
Et qu’il le fait bien Jean-Jérôme ! Uppercut, c’est, en ouverture, la voix douce, chaude, de Victoire (merveilleuse Julie Lucazeau), son chant si langoureux qu’on en oublie les paroles violentes de notre hymne national, ‘La Marseillaise’ pour n’en garder que la substance fraternelle. Et peut-être, comme un clin d’œil, cette « amour sacré de la patrie », textuellement ‘terre des aïeux’ chanté si suavement … de celle qui manque cruellement à celui qui la fuit comme de celle qui accueille… Un hymne avec en fond de scène un voile blanc, l’oiseau de la liberté, ou la voile d’un hypothétique bateau ? Celui de SOS Méditerranée qui viendra, en fin de spectacle, se présenter au public dont les applaudissements nourris sont autant d’encouragements à poursuivre leur lutte quotidienne.

« Mohamed Ali, montrant sa bouche, signifiant qu’il ne se taira jamais, Jean-Jérôme Esposito ne se taira jamais aussi. » (JJ Esposito)


Uppercut, ce sont les voix et les espoirs des figures de l’émigration, un régal de bout en bout, rythmé par la musique de Marc, comme les jeux de jambes du boxer, par des dialogues incisifs, des comédiens justes, authentiques, une mise en scène époustouflante signée Luc-Antoine Diquero, faisant du public un acteur à part entière de la pièce, submergé d’émotion mêlé de rires. Sans pathos, sans leçon-donner, Uppercut vous envoie un coup de poing dans l’estomac, souffle coupé. Avec tendresse, humour, intelligence, Jean-Jérôme parle de racisme, d’intolérance, mais aussi d’accueil, de bienveillance, en un mot de fraternité, sans oublier le Noble Art et le club de boxe, celui de Saint-Louis où il s’entrainait lui-même, où il situe la scène. Uppercut ne se veut pas un coup d’épée dans l’eau. Jean-Jérôme Esposito, comédien, avait envie de parler de solidarité, de militantisme, celui de tous les jours, de fraternité, de liberté. Liberté, Egalité, Fraternité, c’est marqué sur le cahier des charges de notre drapeau, dit-il lui-même.

Uppercut, comme un cri d’alarme devant l’égoïsme, devant le sectarisme: « Aux armes citoyens » !
L’histoire
:
Nous sommes le soir des championnats de France de boxe anglaise. L'hymne national retentit, chanté par une jeune femme, Victoire. Les boxeurs arrivent sur le ring, Lazare Ponticelli, champion en titre et Donatien Saïd Nzundu dit ''la panthère''. Soudain, tout bascule: un contrôle de papier visant Nzundu empêche le combat de se faire. Un flash-back nous emmènera à comprendre comment nous en sommes arrivés là…

Donatien Saïd Nzundu est Congolais. Il a traversé l'Afrique et la méditerranée, avec pour seul papier une lettre de recommandation de son entraîneur de boxe et une adresse : "Boxing club Saint Louis - Marseille".
Trois ans et cinq mois plus tard, Donatien arrive enfin devant le Boxing club, il rencontre l'entraîneur de boxe, Neri qui le prendra sous son aile.
Là, à l'abri des regards, Donatien va rencontrer Lazare Ponticelli, Victoire et se fabriquer un autre destin...

Danielle Dufour-Verna

Info +

Collectif Gena
Création 2022
De Jean-Jérôme Esposito
Mise en scène et scénographie : Luc-Antoine Diquero
Avec Virgile M’Fouilou, Jean-Jérôme Esposito, Julie Lucazeau, Bernard Llopis, Brice Notin, Marc Delhaye
Assistante mise en scène : Maryline Nobili – Création lumières : Jean-Marc Skatchko – Mise en boxe : Sid Hamed Nouni – Musique : Marc Delhaye – Régie : Antoine Benner
Théâtre sur ring
Spectacle tout public.

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Mercredi 2 Novembre 2022 à 23:51 | Lu 765 fois
Danielle Dufour-Verna
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